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Maroc insolite : se faire soigner au Maroc ?

Lors de notre Réveillon, fêté au Maroc en compagnie de 15 campings-cars, nous avons dégusté un menu de poissons et fruits de mer au restaurant L'Araignée Gourmande à Oualidia. Bien sûr, nous avons eu droit aux traditionnelles huîtres servies en entrée. Nous étions particulièrement satisfaits de notre entrée comme peuvent l'être les Français : oui, nous pouvons manger des huîtres au Maroc alors que les huîtres du bassin d'Arcachon venaient d'être interdites à la consommation pour Nouvel An. Évidemment, nous n'avons pas jubilé longtemps car deux jours plus tard, la moitié de nos compagnons ont passé plus de temps à proximité ou "attachés" à leurs toilettes qu'à découvrir le Maroc. Moi, je n'aime pas les huîtres donc je n'ai pas été malade, mais Denis, oui, puisqu'il a mangé "mes" huîtres en plus des "siennes".



Malheureusement, les ennuis gastriques de notre compagnon Pierre se sont prolongés au delà de la journée de diarrhées et de nausées. Commence notre périple médical à la découverte des hôpitaux marocains. Les parfaits et consciencieux touristes que nous sommes ont exploré toute la palette des possibilités qui s'offraient à nous !


Acte 1 : un médecin à Marrakech s'est déplacé à notre camping, puis un employé du camping est allé à la pharmacie chercher les médicaments. Les deux étant totalement inimaginables en France, surtout trouver un médecin qui se déplace !


Acte 2 : les douleurs gastriques de Pierre s'aggravent, nous voici en route à la découverte d'une clinique privée de luxe pour Européens. Un monde parallèle s'ouvre sous nos yeux ébahis. Pierre est installé de suite dans une salle aux urgences, est pris en charge quasiment immédiatement (médecin, scanner, installation dans une chambre individuelle). J'ai vu qu'on pouvait même choisir de s'installer dans des suites qui portaient des noms censés rassurer, apaiser comme lilas, muguet, rose...Le diagnostic tombe : un calcul rénal qui devrait s'évacuer tout seul.


Acte 3 : le calcul ne s'évacue pas, et nous voici dans la "pampa" marocaine, autrement dit un désert médical. Cette fois, pas de suite au nom fleuri, mais les chats s'amusaient à courir entre les lits du dispensaire régional de Tata; le médecin ne parlait pas le français; on ne distinguait pas les infirmiers des techniciens : des outils étaient nécessaires pour faire fonctionner l'arrivée d'oxygène ; Pierre a été "soigné" par une perfusion de Doliprane, un remède miracle, mais peu efficace sur la longue durée.


Acte 4 : le doliprane a été efficace 4 heures et Pierre a été transféré de Zagora à Marrakech par ambulance, de nuit, par le magnifique et impressionnant col du Tizi N'Tichka, 2 260 m d'altitude, et en perpétuels travaux (6 heures de route). A Marrakech, plus question de clinique de luxe, ni de suite aux noms fleuris, c'est l'assurance de Pierre qui paye. Cette fois, le problème est pris en charge par la mise en place d'une sonde qui élimine les insupportables douleurs et Pierre finit par nous rejoindre... 5 jours avant la fin de notre circuit !



J'ai souvent accompagné Pierre et sa compagne Josette dans leur périple médical. Première chose qui m'a frappée et choquée, c'est que peu importe le nombre de patients en attente, les Européens sont toujours prioritaires. Les Marocains "stagnent" en salle d'attente, les Européens sont directement installés dans un lit aux urgences. Pareil pour les médecins qui se déplacent, voire emmènent les patients à la pharmacie dans leur voiture. S'agirait-il d'un nouveau concept marocain : médecin-taxi express pour la pharmacie ? Les Européens sont-ils prioritaires car ils payent rubis sur l'ongle ?


Deuxième constat : on est moins bien soigné dans le sud du Maroc que dans les grandes métropoles littorales. Depuis le début du XX° siècle, on assiste au Maroc comme sur l'ensemble de notre planète à une littoralisation des activités. L'intérieur se vide au profit des côtes atlantiques et méditerranéennes. Fès et Meknès déclinent au profit de Rabat, d'Agadir et surtout de la dernière née sous le protectorat français, Casablanca. Donc les cliniques, hôpitaux, médecins se localisent bien sûr dans les grandes villes et tous les Marocains en attente de soins dans le sud du pays sont transférés à Marrakech, comme la maman d'Abdoul. La famille d'Abdoul, soit les parents et leurs 13 enfants aujourd'hui adultes, vivent plus ou moins dans leur maison, restaurant, accueil de camping-cars, au dessus de la palmeraie de Tinehir. La maman d'Abdoul a consulté un spécialiste à Marrakech et a été opérée là bas. L'opération a coûté 3000 euros, une somme énorme pour une famille, même plutôt aisée à l'échelle marocaine.



En effet, au Maroc, l'assurance-maladie se met en place peu à peu. En 2005, les salariés du secteur public ont droit à une assurance-maladie, mais 80% des Marocains travaillent dans l'informel et ne disposent donc pas de couverture sociale. En 2022, elle est proposée aux travailleurs de l'informel et aux plus démunis contre la somme de 120 dh par mois, somme dont ils ne disposent probablement pas. Et surtout le reste à charge reste important, soit 60% alors qu'il est de 8% en France. Ce nouveau système a été mis en place mais sans moyens et c'est l'hôpital public qui doit gérer les plus pauvres. A ce manque de moyens s'ajoute le manque de médecins. Au Maroc, on dispose de 7 médecins pour 10 000 habitants (chiffres de 2022) contre 13 en Tunisie et 60 en France.


Les Marocains aisés se font soigner dans les cliniques privées et cabinets privés, le roi Mohammed VI en France. Le chef du camping-hôtel de Merzouga défendait le système marocain en m'expliquant que si tu ne tombes pas malade, tu ne payes rien alors que les Français cotisent qu'ils aient besoin de soins ou pas. D'accord, en attendant les plus pauvres ne sont pas soignés. Les gérants de camping, la famille d'Abdoul ont accès à la manne touristique, font partie de l'aristocratie locale. On voit leur aisance au niveau des dents : leurs dents sont soignées là où la majorité de la population a des trous à la place des dents; leurs enfants, voire les adultes portent des appareils dentaires pour les sourires " touches de piano".


Accompagner des campings-caristes est toujours très intéressant puisqu'à chaque fois, nous découvrons de nouveaux aspects du Maroc. L'inégalité de l'accès aux soins permet de traiter les inégalités de développement au niveau mondial, mais aussi national. J'ai beaucoup étudié ces inégalités de développement avec mes élèves, mais découvrir concrètement les inégalités sur le terrain est bien plus utile. Mes compagnons me disent à quel point ils ont été bouleversés par la pauvreté qui règne au Maroc. En même temps, dès que les campings ne sont pas aux normes françaises, ils se disent déçus de leur voyage :les sanitaires sont trop vétustes, les douches pas assez chaudes,;au restaurant, ils ont dû manger le plat disponible...

Voir la misère oui, la vivre concrètement, non, faut pas exagérer !

3 comentários


Angèle KELLER
Angèle KELLER
16 de fev. de 2024

Décidément les voyages sont source de surprises. Après les ennuis matériels les ennuis sanitaires... et des soins à deux vitesses. Cela nous permet de relativiser nos problèmes français de "déserts médicaux.

A bientôt

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thierry paris
thierry paris
15 de fev. de 2024

L'araignée gourmande !!!

C'était un passage obligé quand on va a Oualidia !

Pas de chance pour les huitres, moi, j''ai du en manger des dizaines de douzaines !!! Surtout qu'elles viennent du parc à huitre d'à côté.

A l'araignée gourmande, il y a fort longtemps, il y avait un seul menu. Et dans ce menu, on avait semble-t-il le choix entre trois entrées (choix 1 ou choix 2 ou choix 3), et idem pour les plats....

Mais en fait, le "ou" était un "ou" arabe, qui veut dire "et" !

Bref, on repartait toujours le ventre trop plein !!!!

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Yves Bocquel
Yves Bocquel
14 de fev. de 2024

C’est l’immersion quasi totale et concrète cette fois. Après l’expérience du tremblement de terre l’an passé ! Tu as raison sur place les notions vues d’ici et nos revendications paraissent bien futiles…..

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