Grenade ombragée, Grenade sillonnée, Grenade dégoupillée, mais Grenade visitée.
- Dominique
- 16 févr. 2022
- 4 min de lecture
Pour nos fillles qui n'ont probablement pas la référence, ce titre est une parodie du discours du Général de Gaulle à l'occasion de la libération de Paris en 1944 : « Paris outragée, Paris brisée, Paris martyrisée mais Paris libérée » . Comme vous vous en doutez, les filles, dès que le mot référence est utilisé, c'est une idée de votre père et, je la trouvais drôle. Rassurez-vous, il n'y a pas de lien à cliquer ! À force, de vivre avec lui dans un petit espace, je vais finir par faire les mêmes blagues ! Je ne trouvais pas de titre plus accrocheur que « Une journée à Grenade » ou « Faire du vélo à Grenade, c'est risquer sa vie ».
Nous n'avons que moyennement accroché avec Grenade et c'est lié au vélo. De façon générale, la pratique du vélo est difficile en Andalousie. Est-ce lié à la chaleur qui règne une grande partie de l'année ? Au fait que l'altitude moyenne en Espagne est de 660 mètres et que c'est éprouvant d'y faire du velo ? En tout cas, les pistes cyclables andalouses sont comme les villes andalouses : sans cohérence, sans plan d'ensemble. A quoi ressemble une piste cyclable en Andalousie ? Un bout de piste tout neuf, tout sécurisé, puis plus... rien... la piste s'arrête sans aucune raison, ni sommation et vous devez risquer votre vie pour traverser un rond point où déboulent à toute vitesse des voitures de toute part. Faut-il poursuivre sur la route ? Se mettre à l'abri sur le trottoir ?
Seules deux villes ont une politique cohérente : Séville et Cadix. Quant à la fameuse Eurovelo 8, qui longe le littoral méditerranéen de Cadix à Athènes, c'est une vaste fumisterie en Espagne. Elle consiste à tracer au stylo rose un trait sur une carte. En clair, elle n'existe quasiment pas, sauf quelques bouts improbables de ci, de là. Hors des villes, nous n'avons trouvé que deux pistes cyclables correctes : la Via verde de la Sierra près de Cadix, et la Via verde del Aceite (de l'huile, d'olive bien sûr) près de Jaén.
Toutes les autres pistes indiquées sur le site officiel de la région andalouse, sont praticables à cheval, dromadaire, VTT, motocross, tracteur, quad, 4x4, mais pas à vélo. Les ornières sont aussi profondes que la fosse des Mariannes; les pierres, aiguisées par les niveleuses, qui tentent vainement d'aplanir la voie verte, sont une véritable guerre d'extermination menée contre d'innocents pneus. Heureusement, les Espagnols regardent les cyclistes comme des extraterrestres et se montrent très respectueux de leur sécurité. Ils n'hésitent jamais à s'arrêter pour laisser passer un vélo.

Mais avoir l'extraordinaire privilège d'admirer - une fois dans sa vie - les palais nasrides vaut bien la peine de risquer sa vie !
Grenade était la capitale du dernier royaume musulman subsistant en Espagne entre 1248 (prise de Séville par les rois catholiques) et 1492, l'année où Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon décidèrent d'achever la Reconquista.

Une obscure dynastie, les Nasrides, régnait sur ce royaume et a construit un ensemble palatial au sommet d'une colline, aux pieds de la Sierra Nevada. Le site est particulièrement ravissant car la puissante chaîne de montagnes qui culmine à 3 479 mètres est couverte de neige, surtout au mois de février. Le contraste entre l'Alhambra (al hamra signifiant la rouge, soit la couleur de la pierre de la citadelle d'origine, le grès rouge) et le sommet enneigé de la Sierra Nevada est un plaisir pour les yeux. Implanter des palais au sommet d'une colline est un choix judicieux dans une région où il fait extrêmement chaud l'été. En effet, il y fait plus frais, l'air circule plus facilement et l'eau qui descend de la Sierra Nevada "irrigue" tout le palais.

Le savoir faire des hydrauliciens arabes permet de gérer au mieux l'eau dans des régions où elle est rare et précieuse. D'abord, le pouvoir rafraîchissant de l'eau est exploité : c'est la climatisation du Moyen âge. L'eau circule dans les pièces d'habitation ainsi que dans les jardins et patios dans des rigoles, fontaines, rampes, bassins..
Le rôle de l'eau est également lié à l'islam. En effet, le Coran demande à ses fidèles d'être propres pour la prière, donc de nombreux bains sont construits dans les villes, tout comme dans les palais.

L'Alhambra est composé de nombreux palais, chaque souverain ayant rajouté le sien. Y figurent : l'Alcazaba ou la citadelle primitive que l'on retrouve dans toutes les villes d'Al Andalus; le Generalife ou le palais d'été des Nasrides; le plus connu étant les palais nasrides dont l'accès est limité (250 visiteurs par demi-heure, ce qui est déjà énorme ) et uniquement sur réservation.

Dans ces palais, construits entre 1333 et 1344, nous retrouvons tous les éléments architecturaux traditionnels de l'art arabe portés à leur apogée : stucs finement travaillés, azulejos, plafonds en bois...


Nous avons été tellement éblouis par notre visite des palais nasrides que nous n'avons pas eu envie de poursuivre notre visite de l'Alhambra. Le même éblouissement a saisi Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon en 1492, lors de leur entrée à Grenade. De nombreux édifices islamiques ont été détruits au XV° siècle, pourtant jamais les rois catholiques n'ont touché à l'Alhambra.

Je cite un historien espagnol : « Sa scrupuleuse conservation est un des premiers hommages qu'ait rendu l'Europe à la diversité des civilisations ».
Charles Quint, petit fils d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon, a construit son palais Renaissance dans l'enceinte de l'Alhambra, mais il n'a pas touché aux palais des Nasrides.
ca donne envie d'aller y faire un tour !
Toujours autant de plaisir à vous lire 🥰 Vive la suite !
Tout simplement magnifique